Le Tarot et les Mathématiques


Voilà un rapprochement qui peut paraître bien curieux. Mais enfin que peuvent bien avoir en commun le Tarot de Marseille, un art divinatoire basé sur l'interprétation de cartes, et les mathématiques, cette matière logique et cartésienne ne tolérant aucune erreur ? 

Le Tarot et les Mathématiques
Le Tarot et les Mathématiques

Et pourtant ! Quand on y réfléchit, il existe bien des jeux qui répondent à des règles de mathématiques : les jeux de logique, les jeux de construction, les jeux de cartes, et bien sûr, les jeux de hasard. Le Tarot de Marseille n'échappe pas à la règle. De plus il serait bien le seul celui qui s'intéresse au Tarot de Marseille mais pas aux chiffres, alors que ces derniers sont largement utilisés en divination depuis de nombreux siècles (numérologie).

Alors, pourquoi s'intéresser à cette question ? Le Tarot, comme tout art divinatoire, a ses sceptiques. Certaines personnes y croient, d'autres pas. Mais la divination va-t-elle réellement au-delà de la croyance ? En effet, les détracteurs de la divination pensent parfois que "les dés sont pipés". C'est la raison d'être de cette page, qui va tenter de démontrer mathématiquement, pourquoi dans le Tarot de Marseille en particulier, le scepticisme n'a pas sa place - tout du moins dans sa pratique -, et les maths ont, elles, toute la leur.

Les probabilités


Avant de se rapprocher du Tarot de Marseille, il faut reprendre les bases. 

 

Quel est le jeu grâce auquel le professeur de mathématiques va expliquer les probabilités ? Il s'agit du dé, ce cube au poids équitablement réparti dont chaque face affiche les points de 1 à 6. 

 

Lors d'un lancer de dé (l’événement), les issues possibles sont donc d'obtenir un as, un 2, un 3, un 4, un 5 ou un 6. Si le dé n'est pas truqué, il s'agit d'un cas d'équiprobabilité, puisque chaque issue aura la même probabilité de se produire. En l’occurrence, la probabilité sera d'une chance sur 6, soit environ 17% de chance d'obtenir chaque résultat.

 

Dans le Tarot de Marseille, nous n'avons pas 6 possibilités, mais 22, si on tient compte uniquement des cartes majeures. Autrement dit, lors d'un tirage à une carte, vous avez une chance sur 22 d'obtenir telle ou telle carte, c'est-à-dire moins de 5% seulement.

 

C'est encore élevé diront certains... Heureusement pour nous, la plupart des tirages comportent plusieurs cartes. Mais alors, que deviennent nos chances de tomber sur LE tirage qui nous apporte la vraie bonne réponse ? Comme vous allez le voir, bien que le tirage des cartes soit théoriquement lié au hasard... le résultat est surprenant.

 

Par exemple, sachez que si vous tirez 3 cartes parmi les 22 cartes majeures, vous avez ... 9240 issues possibles. Votre probabilité de tomber sur LE tirage qui répond parfaitement à votre question est de une sur 9240, soit un dixième de chance pour mille (oui pour mille...). Même si on peut admettre que plusieurs tirages pourraient répondre convenablement à la question posée, le pourcentage reste infiniment petit. Et plus vous utilisez de cartes dans vos tirages, plus les issues possibles augmentent (et les chances diminuent !).

 

Prenons l'exemple du tirage en croix, à 5 cartes tirées (même la synthèse soit tirée). Le nombre de réponses possibles est cette fois de 3 160 080 ! Vertigineux !

Chaque résultat a donc une chance sur 3 160 080 de sortir... Autant dire un rien du tout. 

 

Vous souhaitez effectuer une roue astrologique ? Vous avez alors ... accrochez-vous ... 309 744 468 633 600 possibilités de réponses ! 

 

Plus on augmente le nombre de cartes, plus on augmente les possibilités. Si vous réalisez des tirages avec le jeu de Tarot complet, incluant les cartes mineures, les solutions possibles sont énormes :

- 456 456 issues possibles pour un tirage à 3 cartes

- 2 533 330 800 issues possibles pour un tirage en croix (toujours avec la synthèse tirée)

- 20 803 502 274 492 921 984 000 issues possibles pour une roue astrologique !

 

Ces chiffres tiennent compte de l'ordre des cartes tirées, puisque cela est pris en compte dans l'interprétation. Comme vous le voyez, les possibilités ne sont certes pas infinies en Tarot, mais elles sont suffisamment étendues pour écarter les doutes autour des probabilités dans les tirages. 

 

Posons la réflexion sous un autre angle, pouvant également être opposé par les sceptiques. Dans un tirage à trois lames, les chances de tirer une carte en particulier sont de 13%, dans un tirage en croix elles sont de 18%, dans une roue astrologique elles sont supérieures à 54% ! Cela signifie-t-il que les cartes tombent donc bien plus souvent qu'on pourrait le penser ? La réponse est non, car comme cela est précisé plus haut, ces chiffres ne tiennent pas compte de l'ordre des cartes tirées. Or, ce détail est primordial dans l'interprétation du tirage.

 

Les statistiques et la réduction


Nous évoquions plus haut le fait de tirer ou de calculer la synthèse d'un tirage

Il existe deux méthodes de calcul de cette synthèse, dont l'une est plus largement utilisée.

Or, il convient de faire le bon choix concernant la détermination de cette synthèse, car cette carte fait partie intégrante du tirage, et en donne l'ambiance générale.

 

La réduction théosophique


La première méthode de calcul de la synthèse d'un tirage est appelée réduction théosophique. Voici comment procéder :

 

- On fait la somme des nombres affectés aux cartes tirées

- On additionne entre eux les chiffres du résultat

- On recommence l'opération jusqu'à obtenir un nombre inférieur ou égal à 22 (on attribue généralement la valeur 22 au Mat).

 

Donnons un exemple. Le tirage est la Papesse, l'Etoile, le Chariot et le Soleil.

- Somme : 2 + 17 + 7 + 19 = 45

- Réduction : 4 + 5 = 9

- La synthèse est 9, l'Hermite.

 

Ce procédé pose un problème statistique. En effet, de cette façon certaines cartes ne peuvent pas être obtenues en synthèse. C'est le cas du Bateleur et de la Papesse. Quant au Diable, la Maison Dieu, l'Etoile, la Lune, le Soleil, le Jugement, le Monde et le Mat, ils n'ont que moins de 1% de chance de sortir en synthèse.

 

Fréquence des cartes de synthèses obtenues par réduction théosophique
Fréquence des cartes de synthèses obtenues par réduction théosophique

 

La question est de savoir s'il est acceptable d'être dans une telle situation lors du calcul de la synthèse d'un tirage ... Est-il juste de penser que toutes les cartes ne peuvent tomber en synthèse ? Dans ce cas précis, les dés ne sont-ils pas "pipés" justement ?

La réduction à 22


L'autre méthode de réduction existante, mais peu connue et peu utilisée est celle de la réduction à 22. Voici comment procéder :

 

- On fait toujours la somme des 4 cartes tirées

- On retranche 22 du nombre obtenu, autant de fois que nécessaire jusqu'à obtenir un nombre inférieur ou égal à 22. Le Mat peut alors être comptabilisé à 22 ou à 0, c'est égal.

 

Cette méthode peut sembler surprenante, et d'un point de vue mathématique, elle l'est encore plus. En effet, en suivant cette méthode, les chances de calculer une carte impaire sont de 4,5% , et celles de tomber sur une carte paire de 4,6%. Voici le graphique correspondant :

 

Fréquence des cartes de synthèses obtenues par la méthode de la réduction à 22
Fréquence des cartes de synthèses obtenues par la méthode de la réduction à 22

 

Cette méthode de réduction est particulièrement efficace et respectueuse de la notion de hasard. Chaque carte a quasiment autant de chance de sortir en synthèse que toutes les autres. On trouve juste une légère avance concernant les arcanes pairs sur les impairs.

 

La synthèse tirée


La synthèse tirée est la troisième option, une option plus "cartésienne" et moins ésotérique. Son atout majeur reste le respect du tirage au hasard, du début à la fin, avec tout autant de chance pour chaque carte d'obtenir la place de synthèse. Équitablement parlant, c'est l'option la plus juste, mais en Tarot, il n'y a heureusement pas qu'une façon de pratiquer. Aussi chacun peut utiliser la synthèse qui lui parle le mieux.

 

Il faut cependant noter que la synthèse calculée ne peut pas sortir renversée, contrairement à la synthèse tirée, ce qui peut créer un déséquilibre dans un tirage où les cartes renversées ont été interprétées. Notez également qu'avec une synthèse calculée, il est possible d'avoir des doublons, c'est-à-dire de tomber sur une carte déjà présente dans le tirage. Les doublons peuvent bien sûr être interprétés comme toutes cartes, mais ils peuvent aussi déstabiliser.

 

Hasard ou intuition ?


Le jeu et les mathématiques sont intimement liés depuis l'origine, et en particulier les jeux de hasard. Les cartes sont tirées face cachées, après avoir été mélangées, brassées... Pas question de faire de la prestidigitation ici, encore moins de la magie

 

On remarquera toutefois que le Tarot de Marseille ne s'arrête pas à tirer des cartes au hasard, encore faut-il les interpréter. C'est là la limite mathématique de ce jeu... Car si les livres ou internet délivrent foule de conseils qui constituent une base pour l'interprétation, celle-ci n'est réellement efficace que lorsque le tarologue peut enfin s'affranchir de toutes les règles.

 

L'interprétation est rendue possible par une autre forme de jeu, mêlant inconscient, intuition, déduction logique, et même parfois un peu de chance, domaines dans lesquels les maths ne donnent pas toujours la clé. En somme, la logique mathématique ne résout pas l'interrogation qui perdure dans les esprits : pourquoi ça fonctionne ? Comment est-il possible que le Tarot réponde aux questions ? Le débat est alors sans fin entre sceptiques et convaincus, chacun prêchant pour sa paroisse, avec force argumentée.

 

Si le Tarot est réellement un jeu de hasard, pourquoi le consultant tire-t-il les cartes qui lui répondent ? N'est-ce pas une part de son inconscient qui s'exprime au travers du tirage ? Sa main est-elle guidée par une force extérieure ? Chacun se forgera sa propre opinion sur le sujet selon ses croyances

 

Pour aller plus loin dans la réflexion, il nous faut sortir du cadre scientifique, et passer du côté des suppositions. Les approches philosophiques, métaphysiques ou spirituelles pourront donner des pistes de réponses, mais non prouvées scientifiquement, ou mathématiquement. Le Tarot de Marseille est un jeu situé sur plusieurs plans : le plan matériel et le plan spirituel. L'une des grandes difficultés est de réussir à traverser ces deux plans, voire même d'aller de l'un à l'autre, sans toutefois perdre le sens des réalités. C'est un outil destiné principalement aux personnes ayant à la fois les pieds sur terre, et la tête dans les étoiles...

 



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Commentaires: 4
  • #1

    Mika (jeudi, 12 mars 2020 00:41)

    Merci poir toutes ces explications et votre travail.

  • #2

    Mark (samedi, 11 avril 2020 00:26)

    Très bon article, les probabilités sembles justes :D (j'avoue avoir vérifié rapidement un ou deux calculs :D) et l'article est bien écrit, captivant jusqu’à la fin il permet de se poser des questions et/ou d'y répondre pour un débutant total avec un fort esprit mathématique comme moi.

    Beau travail, et belle conclusion !

  • #3

    Domingos (lundi, 10 août 2020 00:11)

    Merci pour vos explications et le cœur que vous y mettez.
    Merci pour votre bon partage.

  • #4

    Avelain (vendredi, 09 avril 2021 16:11)

    Merci bien pour la méthode de synthèse (réduction à 22)
    En effet, par réduction théosophique, on peut se retrouver avec une carte déjà sortie et recalculée en synthèse (soit 2 fois...)